13 août 2023 2ème trimestre 2023 : La vie sur Terre est une alliée de première force
Ce message nous est délivré par Baptiste Morizot* (Les entretiens de Reporterre-6/07/23). Il vous concerne, vous, graines rebelles, graines résistantes, tombées au sol ou passantes envolées, à vous que les vents, les eaux, les animaux, déposent sur des terres dénudées, brûlées, et par qui la vie renaît... Vous aussi, arbres et arbustes poussant à tort et à travers, herbes que l’on dit mauvaises, qui finissez par soulever goudrons et bétons, conquérants des friches polluées, occupants sans titre des terres abandonnées, offrant gite et couvert à toute une faune vagabonde... Vous tous, faune et flore, artisans connus ou inconnus de la belle robustesse de la nature, qui rendez la terre habitable.
Nous, êtres humains, sommes des maillons de la chaîne du vivant, ni plus ni moins importants que vous, en interdépendance étroite avec vous. Ce qui nous distingue, peut-être : nous en avons conscience, et savons que plus la chaîne est robuste, mieux nous nous port(er)ons. Mais notre savoir est parcellaire : Nous ignorons presque tout du vivant des grands fonds marins ou de celui qui peuple les sols et les rend fertiles. En revanche, nous avons la vertigineuse puissance de bouleverser les équilibres naturels, et nous en usons. Les effets sont, eux aussi, vertigineux. Alors, comme l’érosion de la biodiversité est palpable et qu’elle s’amplifie, nous parlons restauration, préservation, compensation. Nous tentons de réparer les effets des destructions que nous continuons de commettre, mais nous entendons "orienter" ces réparations... Nous nous accordons le droit de choisir à quel type de vivant ira notre "protection", et ce choix est presque toujours guidé par un intérêt immédiat, économique.
Qu’on en juge : Le 12 juillet, après des débats houleux et tendus, les eurodéputés ont adopté à une courte majorité la loi de restauration de la nature. Le texte initial ayant été terriblement amputé, pour ne pas nuire aux activités économiques, c’est selon Claire Nouvian (asso. BLOOM), un "sauvetage in extremis plutôt qu’un succès". En ont été exclus les mesures immédiates de protection des océans, les espaces à haute diversité des zones agricoles, exit aussi l’objectif de restauration de 30% des écosystèmes, pourtant adopté par le sommet mondial pour la biodiversité fin 2022. Surtout, en laissant à chaque état de l’UE le soin de prendre les mesures pour la restauration de ses écosystèmes, la loi perd beaucoup de sa portée juridique.
En France, chaque année près de 10 milliards d’€ de soutiens publics et de mesures fiscales subventionnent des activités qui concourent à la dégradation des milieux naturels. C’est dans ce contexte absurde, non remis en cause, que le gouvernement a présenté le 20 juillet sa stratégie nationale pour la biodiversité à l’horizon 2030. Comme si la crise écologique contemporaine n’était pas d’abord une crise de l’économie extractiviste, et que l’on pouvait remédier à la première sans s’attaquer à la seconde.
Baptiste Morizot nous invite à changer nos relations avec le vivant, à passer avec lui des alliances objectives, à arrêter de maltraiter la vie, pour laisser s’exprimer ses potentiels, ses dynamiques, ses capacités à se guérir elle-même. "(...) les vivants, même s’ils n’ont pas une conscience comme la nôtre ou une intelligence rationnelle identique à la nôtre, passent leur temps à agir sur le monde de manière à le rendre habitable. Depuis quatre milliards d’années, la vie aménage le monde pour la vie. Avec une inventivité dont nous sommes incapables, et dont nous jouissons des dons tous les jours. Donc toute condescendance est absurde".
* Philosophe, auteur de "L’inexploré" (Ed. Wildproject)
Sommaire
État condamné ; travailler autrement ; laine en Morvan | Pages 2&3 |
Label HVE et fausses promesses | Page4 |
Biochar | Page5 |
Eau et gestion de la pénurie | Pages 6&7 |
Sols et pesticides | Pages 7&8 |
Recyclage textile ; 5G ; alternatives mobilités | Pages 8&9 |
Dossier « plastiques » | Pages 10&11 |
Divers et agenda | Page 12 |